Pendant quatre jours, Camille Agounke, chargée de mission formation et pédagogique à la Ligue de L’Enseignement de Vendée, intervient au lycée professionnel Valère Mathé aux Sables-d’Olonne dans le cadre d’une formation lutte contre le harcèlement scolaire à destination des lycéens.
Au cours d’un atelier de sensibilisation de deux heures, un groupe de 15 jeunes échange leurs opinions sur le sujet du harcèlement scolaire et du cyberharcèlement à travers l’échange, le jeu ou l’analyse de vidéos.
« Oui ça fait mal, oui c’est dur, oui ça laisse des traces, mais on s’en sort ».
Qu’est-ce que le harcèlement ? Qui sont les principaux acteurs ?
Pour commencer l’atelier, Camille pose cette question aux lycéens. Ce qui ressort des échanges avec ces élèves, c’est que le harcèlement est une agression physique et/ou verbale d’une personne pour de multiples raisons que ce soit : le physique, la personnalité (ex : être introverti.e.), la religion, les origines, etc.
Par la suite, Camille explique à travers un schéma les différents acteurs du harcèlement :
- Tout d’abord, le harceleur. Il est représenté par une ou plusieurs personnes (dans ce deuxième cas, il y a généralement un leader) qui vont stigmatiser une ou plusieurs personnes ;
- Puis, la victime, celle qui subit les agressions de son ou de ses harceleurs au quotidien ;
- Et enfin, les témoins du cas de harcèlement, que ce soit les proches de la victime ou non.
Elle ajoute qu’à l’heure actuelle : « 700 000 enfants sont harcelés chaque année soit un enfant sur dix et un enfant sur cinq pour des cas de harcèlement sévère ».
Analyse d’une vidéo du Prix concours « Non au harcèlement » dans la catégorie « meilleure vidéo lycée 2018 ».
Dans cette vidéo, on voit une élève qui se fait harceler par ses camarades. On y retrouve des situations percutantes de harcèlement : lorsque la jeune fille retrouve ses baskets de sport dans les toilettes ou lorsqu’elle constate qu’un de ses livres a été déchiré, coupé, avec de nombreuses insultes à l’intérieur, en gros. Mais malgré tout ce qu’elle vit, des personnes sont là pour l’aider (un camarade qui l’encourage, une élève qui est témoin de cela qui va le dire à un enseignant, …).
Après lecture de cette vidéo aux élèves, Camille demande aux lycéens d’exprimer leur opinion sur ce qu’ils ont vu. Pour certains, présenter cette vidéo les touchent profondément, car cela leur fait penser à du harcèlement qu’ils ont subi auparavant ou même actuellement. Camille leur indique que s’ils le souhaitent, ils peuvent s’exprimer ou pas sur ce qu’ils ont vécu afin de sensibiliser leurs camarades en montrant que le harcèlement, ça existe. Un des élèves ajoute même qu’aujourd’hui, « les victimes peuvent se suicider à cause du harcèlement ». Une autre personne indique aussi que « défendre une victime, l’aider et en parler » est souvent la meilleure chose à faire lorsque l’on est témoin de ce genre de cas afin de venir en aide à la personne.
Premier jeu : Les flèches verbales.
Ce jeu exposé par Camille provient du livre Je me défends du harcèlement d’Emmanuelle Piquet. Le but de ce dernier est d’exposer aux élèves une situation de harcèlement et où ces derniers se mettent à la place de la victime et doivent proposer des idées sur ce que cette dernière doit dire ou faire pour que ça s’arrête. C’est ce qu’Emmanuelle Piquet appelle une flèche verbale : un mode de répartie qui utilise l’ironie comme riposte pour déstabiliser le harceleur.
Camille leur propose deux situations :
- Une victime se fait harceler par un groupe WhatsApp de sa classe. Qu’est-ce que la victime doit dire ou faire pour arrêter cela ?
- Une victime qui aime beaucoup à la récréation lire des livres dans un coin tout seul, se fait harceler par deux de ces camarades à chaque récréation pour notamment la traiter de « kassos » ou lui dire qu’elle n’a pas d’ami.e.s. Qu’est-ce que la victime doit dire ou faire ?
Les lycéens répondent à cette question, soit en proposant des idées (bloquer le groupe WhatsApp) ou en jouant la situation avec une personne harcelée et un ou deux harceleurs (dans le cas de la deuxième situation). Camille propose des solutions qui certes, demande une grande confiance en soi, mais qui permettra de déstabiliser le ou les harceleurs voire même, d’arrêter cela.
Analyse vidéo spot contre le cyberharcèlement.
Dans cette vidéo, on nous montre un cas de cyberharcèlement. Une jeune fille se fait écrire un mot sur le front (probablement stigmatisant) avec deux de ses camarades qui la maintiennent et une autre qui filme la situation. Puis la vidéo se retrouve partagée à travers un domino de téléphones, touchant la victime de tous les côtés, ne pouvant plus rien faire. Cependant, si une personne se défait de la chaîne de domino, la vidéo de harcèlement cessera d’être virale.
Cette vidéo touchant davantage les lycéens qui sont plus impactés par les nouvelles technologies, certains évoquent même des cas qu’ils ont soit vécu, vu ou entendu. Un de leurs enseignants qui accompagne les groupes va même leur signaler : « Vous êtes acteurs si vous partagez en ligne un cas de harcèlement ».
Camille posera également cette question aux jeunes : « Comment arrêter le cyberharcèlement ? ». Un élève répondra notamment : « En arrêtant de partager ».
Deuxième jeu : Les 4 panneaux.
Ensuite, Camille expose un autre jeu à ces élèves. Elle va présenter au tableau des photos avec une description, potentiellement publiables et les lycéens devront choisir entre plusieurs options et expliquer pourquoi :
- « Je ne publie pas, sinon je suis hors la loi ! »
- « Je ne publie pas pour des raisons morales, éthiques ou autres… »
- « Je publie…après quelques vérifications. »
- « Je publie. Pas de soucis ! »
Camille montre deux photos :
- Une d’une soirée bien arrosée où le frère de la personne qui souhaite publier la photo est en mauvaise posture avec comme titre : « Mon frère quand on a fêté ses 15 ans. »
- Une deuxième où la personne qui prend la photo témoigne d’une agression comme est supposé l’homme et la femme en arrière-plan ainsi qu’une autre personne qui est, sans doute en train de filmer la scène. Cette photo a pour titre : « Pas cool ! »
Si la première laisse un peu perplexes les jeunes entre s’ils doivent poster ou pas la photo (certains trouvent cela amusant et d’autres humiliant), le deuxième cas ouvrent un peu plus au débat même si une grande majorité se partage entre les deux opinions de non-publications. Un des élèves ajoute même que « Publier une agression, c’est illégal. » tandis qu’une autre explique son point de vue en indiquant que « si on publie, ça va encourager les autres à le faire. ».
Dernier jeu : « Moi c’est Madame ».
« Moi c’est Madame » est un jeu dans lequel est exposé une situation de harcèlement de rue, souvent sexiste et dans lequel le joueur devra trouver la répartie adéquat à la situation pour arrêter cela. L’objectif de ce jeu étant de sensibiliser les lycéens au harcèlement de rue. Une majeure partie des groupes se prêteront au jeu, demandant des fois des conseils à Camille pour savoir si la répartie proposée est bien adaptée à la situation.
Voici ci-dessous un exemple concret d’une situation et de la répartie la plus adaptée à cette dernière.
Pour conclure ce jeu, Camille montrera une vidéo issue des réseaux sociaux. On y voit une jeune fille qui a développé une technique pour faire face au harcèlement de rue qu’elle subit en…faisant des cris d’animaux, ce qui déstabilise complètement l’agresseur.
Fin de l’atelier : Bilan.
Pour conclure l’intervention de deux heures, Camille propose au groupe de lycéens de donner leur avis à l’écrit (de manière anonyme) sur la séance. Elle leur demande :
- leurs ressentis vis-à-vis de la séance ;
- ce qu’ils ont pensé des contenus abordés et des méthodes d’animations proposées ;
- s’ils ont eu l’impression de pouvoir être libre d’exprimer leur point de vue et de le partager à leurs camarades et pourquoi ;
- si cette intervention les a alertés sur des comportements au sein de leur lycée et si, après la séance, ils seront attentifs à cela ;
- et s’ils souhaiteraient que d’autres sujets soient abordés, qui sont importants pour eux (une des réponses que Camille a reçue était notamment de savoir comment se défendre en cas de viol).
Camille a exposé aux divers groupes de jeunes une sélection de livres qui parle du harcèlement et dont certains peuvent aider les victimes à le combattre et s’en sortir :
- Je me défends du harcèlement d’Emmanuelle Piquet ;
- Juste une histoire de nudes d’Aliya Chartier ;
- Stop au Harcèlement – Le guide pour combattre les violences à l’école et sur les réseaux sociaux de Nora Fraisse ;
- Malgré ce qui nous oppose, un manga publié par Le Campus Espace Jeunes de Luçon sur le harcèlement.
Et pour terminer la séance, Camille leur indique que si jamais ils sont victimes ou témoins de harcèlement ou de cyberharcèlement, il existe des plateformes d’écoutes à travers deux numéros gratuits :
- le 3020 pour les cas de harcèlement scolaire ;
- le 3018 pour les cas de cyberharcèlement.